Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Anna, j’ai 25 ans et je vis près de Paris.
Quel proche as-tu accompagné ?
J’ai été aux côtés de ma grande sœur lorsqu’elle a traversé une longue période de dépression. Durant une partie de cette période, je vivais en colocation avec elle et j’ai donc été présente au quotidien.
Comment as-tu pris conscience que ta sœur traversait une période de dépression ? Comment cela a impacté ta relation avec elle ?
Sa période de dépression a débuté il y a quelques années alors qu’elle vivait à l’étranger. À ce moment-là, nous étions donc moins en contact et je ne peux pas trop vous en parler. Quelques mois plus tard elle est revenue en France, vivre chez nos parents, en période de confinement alors qu’elle n’avait pas d’emploi en France et que les interactions sociales étaient limitées par la situation sanitaire. Je l’ai donc vue se refermer sur elle et prendre conscience de tout ce qu’elle avait dû laisser derrière elle en quittant le pays dans lequel elle vivait depuis 6 ans. Je comprenais la difficulté de la situation, elle avait perdu beaucoup (son travail, son logement, ses amis) et elle s’était retrouvée brusquement loin de son quotidien. Je me suis dit qu’elle avait besoin de temps pour se remettre et reconstruire une vie ici, en France. Mais plus les jours passaient et moins elle avait de motivation…
Pour être honnête, mon regard sur sa situation n’a pas toujours été très bienveillant et cela a sûrement impacté ma vision d’elle à ce moment-là. Je mettais certaines choses sur le dos de « la flemme » et me disait qu’elle n’avait juste pas envie, pas assez de motivation pour faire des choses et qu’elle profitait parfois un peu trop du fait de vivre chez nos parents (et donc de ne pas avoir besoin de revenu puisqu’elle vivait à leur charge). Je ne l’ai jamais vraiment formulé face à elle, pour ne pas la blesser et parce que je me doutais quelque part qu’il y avait des raisons derrière ce mal être.
Quels ont été les principaux défis auxquels tu as été confronté en tant qu’aidante ?
Elle a fini par partir de chez mes parents pour venir vivre en colocation avec moi, je partageais donc mon quotidien avec elle. Nous nous étions dit toutes les deux que ce « nouveau départ » serait peut-être un élan pour elle, notamment au niveau professionnel. Mais cela n’a pas été le cas pendant près d’un an. Je pense que le défi principal pour moi a été de préserver ma santé mentale face à cette situation.
C’était très difficile pour moi de trouver des sources de motivation alors que je la voyais tous les jours au fond de son lit… Elle sortait très peu de sa chambre et presque jamais de l’appartement. Je me sentais parfois démunie, parfois responsable, parfois frustrée de cette situation parce que je ne savais pas comment l’aider. Quand je parlais avec elle de manière bienveillante ça n’avait aucun effet, quand je la secouais un peu ça n’en avait pas non plus.
Quelles ressources ou formes de soutien as-tu recherchées pour toi-même en tant qu’aidante ?
J’en parlais régulièrement avec ma famille, notamment ma mère et ma grand-mère qui m’appelaient pour avoir des nouvelles. Elles étaient plus inquiètes pour ma sœur que pour moi, ce qui est normal. Je me sentais souvent incomprise dans ce que je pouvais ressentir, et parfois égoïste face à ses sentiments alors que ma sœur vivait une situation difficile.
Je ne sais pas si c’est uniquement lié à ça mais après quelques mois de cohabitation, j’ai eu le besoin de parler à quelqu’un d’extérieur. J’ai donc fait appel à une psychologue et même si ce n’était pas la bonne personne pour moi, cela m’a libéré d’un poids et fait comprendre que j’étais légitime de ressentir ce que je pouvais ressentir.
Comment as-tu maintenu une communication ouverte avec ta sœur malgré les difficultés de la dépression ?
On parlait de tout, de rien : finalement on parlait assez peu de la dépression. On a cherché à maintenir un lien « normal » et c’est peut-être ce qui a fait que c’était plus simple pour nous de communiquer.
Nous n’évitions pas le sujet pour autant mais c’est parfois difficile d’en parler. Je sais que je ne suis pas très à l’aise avec le sujet et j’avais peur d’être maladroite dans mes paroles (ce que j’ai sûrement été à des moments).
Qu’est ce qui t'a encouragé à continuer de soutenir ta sœur, même lorsque la situation était difficile ?
Je ne me suis jamais posé la question. Il me semblait évident d’être à ses côtés car c’est ma sœur, je sais qu’elle ferait beaucoup pour moi.
Quelles sont les choses que tu as pu mettre en place pour soutenir le rétablissement de ta sœur ?
Après quelques temps, elle a consulté une psychiatre et suivi un traitement médicamenteux. Je la soutenais dans ce suivi, lui posais des questions après ses rendez-vous pour savoir comment ça s’était passé et comment elle le vivait. J’étais à son écoute mais c’est elle qui a fait le plus gros travail, j’étais simplement là.
Quels enseignements tires-tu de cette expérience en tant qu’aidante ?
Une maladie n’engage pas seulement le patient concerné, c’est tout l’entourage qui traverse cette épreuve avec lui. Il ne faut jamais oublier de prendre soin de soi, c’est essentiel d’être là pour les autres mais il ne faut pas négliger son propre bien-être.
En ce qui concerne les troubles psychologiques, je pense qu’il faut en parler encore et encore, ne pas négliger leur impact et combattre les idées reçues (que j’ai moi-même pu avoir) !
Quels conseils donnerais-tu à d’autres aidants qui soutiennent actuellement une personne traversant une dépression ?
Ne soyez pas trop dur avec la personne concernée mais ne le soyez pas non plus envers vous-même. Soyez présent quand vous le pouvez, soyez une oreille attentive lorsque le besoin se présente et n’hésitez pas à demander de l’aide si vous en ressentez le besoin !
Faites le nous savoir :